LE PORTRAIT
ARTISTE
EN HERBE
On le savait habille avec un ballon, il l'est aussi avec un pinceau à la main.
Corentin Halucha (Wasquehal Football), qui a touché du bout des doigts le rêve d'une carrière professionnelle après sa formation au LOSC, s'est découvert un don pour la peinture qui lui permet de s'épanouir sur un autre terrain. Même si le foot n'est jamais loin....
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Par Loïc Costet
Photos Stéphane Mortagne
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Si j'avais parlé d'art et de peinture lorsque j'étais au centre de formation (du LOSC), on se serait foutu de ma gueule." Corentin HALUCHA n'a pas honte de dire qu'il s'est toujours senti "un peu différent" des autres jeunes footballeurs, au domaine de Luchin. Dans les vestiaires lillois (qu'il a fréquenté de 7 à 21 ans), il n'écoute pas de rap, ne parle pas du nouveau FIFA et ne rêve pas de grosses voitures. "Ce n'est pas péjoratif de raconter ça, car je respecte les goûts de chacun. Mais j'avais d'autres centres d'intérêt", se souvient le natif de Roubaix. A l'époque, il s'intéresse à la décoration et au monde du design mais n'ambitionne pas de devenir
lui-même artiste ou créateur. Comme tout ses coéquipiers, il veut devenir footballeur professionnel. Un rêve qui ne semble alors pas utopique pour le jeune latéral, auteur de prestations remarquées avec les jeunes Dogues. Au point d'être convoqué avec les u18 de l'équipe de France et de partir en stage aux cotes de Rabiot, Martial ou encore Lengl et Maignan, aujourd'hui tous internationaux français. En U19, il continue d'impressionner et participe à son premier match de CFA à seulement 18 ans. La saison suivante, de sérieux problèmes de dos ralentissent sa montée en puissance mais "tout va s'accélérer très vite" juste avant la trève.
PLUSIEURS APPARITIONS DANS LE GROUPE PRO DU LOSC
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"Franck Beria se blesse et René Girard avait besoin d'un latéral pour partir en stage à Marbella (Espagne), alors il m'a appelé, raconte Corentin HALUCHA . " Le coach m'avait dit qu'il ne fallait pas que je me fasse de films, que c'était temporaire. Mais forcément j'y suis quand même allé avec des étoiles plein les yeux". De retour en France, à sa grande surprise, il est convoqué dans le groupe qui se déplace à Amiens, pour un match de coupe de France. Il y joue ses premières minutes en match officiel aves les pros. Le jeune défenseur est sur un petit nuage mais il continue de travailler dur. Il participe régulièrement aux entrainements du groupe pro et sera de nouveau convoqué, cette fois pour un match de Ligue 1, à Nice. " Je sentais que je méritais d'être dans cet effectif, que j'apportais quelque chose et que ce n'était pas seulement grâce au destin", se souvient-il.
"C'EST DIFFICILE DE VOIR DES GENS AVEC QUI TU AS JOUÉ ET QUI SONT AUJOURD'HUI DANS DES GROS CLUBS. JE NE SAIS PAS SI JE ME VERRAIS À LEURS PLACE, MAIS JE SUIS CONVAINCU QUE JE POURRAIS ENCORE ÊTRE PRO."
LA VOIX DES SPORTS MAGAZINE
Stéphane Mortagne
" LES PLANÈTES NE SE SONT PAS ALIGNÉES "
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Mais la saison suivante, qu'il attendait comme celle de la confirmation, devient celle de toute les déceptions. Sans jamais obtenir de véritables explications, il est boudé par le nouvel entraineur Frederic Antonetti et ne trouve pas de porte de sortie, malgré des essais à Amiens, puis à Lorient.
"Quand la nouvelle direction à pris les rênes, on m'a fait comprendre que j'avais tout bien fait mais que je ne pourrait pas faire partie du projet par apport à mon âge, explique le défenseur. Tu as 21 ans et là on te dit que tu es trop vieux... Là tu prends un coup et tu te comprends pas."
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Le monde du football pro se referme pour Corentin HALUCHA, qui tente de se relancer avec l'Iris Club de Croix (2017-2018) puis découvre le football belge, chez les Francs Borains (2018-2019) avant de retrouver la France et le N3, à Feignies-Aulnoyes (2019-2020) et finalement Wasquehal, cette saison.
"Les planètes ne se sont pas alignées, tout le monde n'a pas le même destin", regrette-t-il, convaincu qu'il aurait pu jouer "à un bon niveau" sans une succession de blessure. "Ce qui est
paradoxal, c'est que j'ai l'impression d'être un meilleur joueur, d'avoir beaucoup progressé depuis que j'ai quitté le Losc", assure Corentin Halucha. "Mais les blessures empêchent les stats et, dans le foot actuel, c'est primordial pour se faire remarquer."
À 25 ans, le défenseur se laisse encore le droit de rêver. Mais il garde en lui une part de frustration :
"C'est difficile de voir des gens avec qui tu as joué et qui sont aujourd'hui dans des gros clubs. Je ne sais pas si je me verrais à leur place, mais je suis convaincu que je pourrais encore être pro"
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UNE PASSION POUR L'ART MODERNE
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Aujourd'hui, le foot est toujours une priorité et sa carrière de consultant immobilier est prenant. Mais depuis quelques mois, la peinture a pris beaucoup de place dans son esprit, c'est un nouvel objectif. À la différence près qu'il vit cette nouvelle passion sans se mettre la pression. "Je me sens bien quand je peins, c'est presque un mode de vie", sourit le footballeur.
C'est pendant le confinement du mois de Mars qu'il découvre la peinture à la cire (peinture à l'encaustique), s'exerce pendant des journées entières et crée plusieurs tableaux. Grâce aux conseils de Gene Kiegel, un artiste new-yorkais avec qui il a échangé sur Instagram, il progresse et prend conscience de son potentiel naissant. " C'est une belle histoire, car je l'avais suivi étant impressionné par ses oeuvres et il m'a lui-même contacté un peu plus tard pour me dire qu'il trouvait mes créations très intéressantes. Ensuite, il m'a donné des tuyaux pour que j'améliore."
Au fil des semaines, puis des mois, ses créations se rapprochent de ce qu'il avait en tête. Ses oeuvres sont abstraites et modernes, souvent sombres. En novembre, il a décidé de mettre plusieurs toiles en vente sur son site internet. Sans prétendre qu'il pourrait vivre de sa nouvelle occupation, pour l'instant : " C'est comme au foot, quand tu commence, ce n'est pas pour gagner des millions. Tu rêves de grands stades et de belles équipes. Là c'est pareil, ce qui m'attire d'abord, ça serait de pouvoir exposer mon travail." Une petite galerie d'art pourra lui ouvrir ses portes. Et le jeune artiste a déjà quelques acheteurs potentiels en tête. Son ami de longue date, Benjamin Pavard, sera assurément l'un de ses premiers clients. " J'aimerais vraiment peindre pour des personnalités et décorer leurs maisons, ça serait une belle reconnaissance", s'enthousiasme le jeune artiste.
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LA PEINTURE POUR S'EPANOUIR AUTREMENT
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Dans le milieu du foot, Corentin est bien conscient que tout le monde ne sera pas sensible à ses oeuvres. Mais il assume désormais sa seconde passion. Dans son nouveau club, à Wasquehal, quelques équipiers ont été intrigués en apprenant les talents d'artiste du défenseur. "Je ne suis pas non plus présenté aux autres en disant que j'aimais peindre, ce n'est pas quelque chose qu'on aborde comme ça dans un vestiaire de foot. Mais ils ont vu ce que je faisais sur les réseaux sociaux, et certains s'y sont intéressées. Pour d'autres, ce ne sera jamais leur truc et c'est compréhensible."
Et alors qu'il n'aurait jamais évoqué ce sujet pendant ses années LOSC, il semble plus confiant aujourd'hui : " Un footballeur qui peint, dans le football amateur, je ne pense pas que cela choque. Il y aura même des curieu. Car chacun a son métier et tout le monde a des occupations différentes." Et tout avis est bon à prendre. Même si, parfois, les footballeurs restent fidèles à certains stéréotypes. " Un jour, un footballeur m' a dit : " C'est super ce que tu fais, mais pourquoi tu ne mets pas un logo Chanel ou d'autres au milieu des toiles".
C'était gentil comme proposition. Mais ce n'est pas trop mon style, j'aime plutôt quand c'est sobre, quand c'est vraiment ma création. " sourit-il.
Quand Corentin Halucha peint, c'est d'abord pour prendre "du plaisir". Il écoute sa musique puis plonge dans sa bulle. Et s'épanouit tout simplement : " J'ai été dégouté de certaines choses avec le foot, et la peinture m'aide clairement à penser à autre chose et m'épanouir. Même si je n'ai pas perdu mon ambition du haut niveau et que je suis toujours un footballeur, cette passion me permet de me fixer d'autres objectifs"