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SOFOOT

LATERAL CONTEMPORAIN 

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Alors que les championnats amateurs sont à l’arrêt, Corentin Halucha, pensionnaire de N3, évacue sa frustration dans l’encaustique, une technique de peinture à la cire qu’il a expérimentée lors du confinement d’il y a un an. La magie des réseaux sociaux a ensuite permis au jeune latéral de se faire un petit nom dans cet univers fascinant qu’est l’art du XXIe siècle.

“Dans un vestiaire, je suis un peu différent des autres, je ne suis pas le mec qui écoute du Jul ou ce genre de trucs.” Offensif dans son couloir “tels Lizarazu et Alaba, mais à droite”, percutant, décrit par ses partenaires comme une machine à centrer, Corentin Halucha coche tous les attributs du latéral dit “moderne”, mais il est davantage dans un délire “contemporain”. Surtout depuis le premier confinement, lorsqu’il s’est essayé à l’art “en autodidacte”, pour tuer le temps. “Je n’avais eu droit qu’à des cours d’arts plastiques basiques en sport-études, mais j’ai toujours été curieux”, révèle le joueur de 25 ans, aujourd’hui licencié à Wasquehal, en National 3. Pendant que d’autres enchaînent longues sessions de jeux vidéo et apéros Skype, il troque crampons et short contre pinceaux et spatules. Corentin expérimente, se trompe, réessaye, jusqu’à enfin trouver son créneau, le style qui lui permet de s’exprimer. Ce sera l’encaustique. Il s’agit d’une technique de peinture qui utilise des pigments mélangés à de la cire d’abeille en état de légère fusion. “Avec mon pinceau, j’essaie de créer un procédé organique, quelque chose qui pourrait être le fruit de la nature elle-même, sans que l’humain n’y ait apposé sa touche”, explique-t-il. Corentin poste ses toiles, à michemin entre le désert de gravillons en relief et le sol couleur sang d’une planète inconnue, sur Instagram. Les likes sont au rendez-vous. “J’ai découvert ça sur les réseaux, et c’est vraiment magnifique à voir, surtout que je ne connaissais pas cette technique-là, s’enflamme Tony, un coéquipier. Pourquoi pas avoir une de ses œuvres un jour à la maison ?” À la reprise, sur les prés du Nord, son art l’aide même à tempérer sa fougue. “Ça m’apporte du calme, de la sérénité et de la patience sur le terrain.” Mieux, les créations de Corentin tapent dans l’œil de Gene Kiegel, artiste contemporain new-yorkais, “très investi dans l’encaustique, et que je suivais depuis pas mal de temps. Maintenant, on échange régulièrement”, se félicite le latéral. Du Nordiste, le peintre plasticien ukrainien exilé dans la Grosse Pomme ne dit que du bien : “Je vois beaucoup de potentiel et de passion chez Corentin. On utilise la même technique: l’accrétion. Avec laquelle l’encaustique se révèle pour devenir non plus de la simple toile, mais un art à la frontière entre peinture et sculpture, avec notamment des œuvres en trois dimensions.”

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À l’image de Stéphane Mbia, qui visait ouvertement “le Ballon d’or, mais sans trop savoir à quel poste”, Corentin Halucha nourrit et assume une certaine ambition avec son nouveau passe-temps : “J’aimerais bien exposer un jour, mais je ne sais pas encore où ni quand. Rêver, c’est mon carburant. En ce qui me concerne, c’est ce qui me fait avancer et me donne de l’espoir. Comme pour le foot, d’ailleurs. Ceux qui ont un parcours similaire au mien et te disent qu’ils sont passés à autre chose, c’est des conneries.” Le natif de Roubaix n’a en effet pas totalement enterré ses espoirs de haut niveau, auquel il a goûté autrefois. Avant Wasquehal, avant les débordements le long des mains courantes du Nord, il y a eu le Losc. Issu du centre de formation des Dogues, il a ciré les pompes de Rio Mavuba en guise de bizutage, a patienté sur le banc lors d’un match de ligue 1 contre Nice, et a même fait deux apparitions en coupe de France. Les arrivées de Gérard Lopez et Marcelo Bielsa en 2017 mettent un terme à son aventure avec le club. À 21 ans, Halucha s’en va vers un autre univers: celui des terrains pentus, des entraînements nocturnes, des trajets “de soixante bornes aller, soixante bornes retour dans une vieille camionnette” et des changements de club successifs. “Après Lille, ça a été la découverte du vrai monde amateur. Quand t’es avec la réserve du Losc, tu joues à ce niveau, OK, mais c’est malgré tout un autre milieu.” Il rebondit à Croix (N2), où beaucoup de pensionnaires de la pépinière des Dogues échouent à l’âge adulte, s’exile même en Belgique, aux Francs Borains, en D4 locale, retraverse la frontière pour l’Entente Feignies Aulnoye, avant de rallier Wasquehal, donc, qui a signé un début de saison canon avant l’arrêt des compétitions à l’automne. À côté, Corentin s’est formé comme consultant immobilier. “Tu bosses comme tu veux, c’est assez cool niveau horaires, pour les entraînements et les matchs.” Et pour visiter les galeries d’art, accessoirement.

 

Romuald Gadegbeku                               SOFOOTmagazine  

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“J’aimerais bien exposer un jour, mais je ne sais pas encore où ni quand. Rêver, c’est mon carburant.”

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